Partie 1

Le soleil se levait lentement à l’horizon comme un rideau se lève pour un début de spectacle. Il était à peine plus de huit heure du matin et le vent soufflait dans les rues encore sombres et inanimées. Aucun oiseau ne sifflait doucement le levé du jour, aucun bruissement de feuilles qui s’entrelacent avec le vent du haut de leurs branches, les arbres n’existait plus, les oiseaux non plus d’ailleurs. Les rues étaient étroites et par endroit, le trottoir était couvert de mousse, du lierre avait poussé sur les façades de pierres grises, les magasins étaient fermés, les volets des maisons fermés et même, pour certains barricadés avec des planches fragiles et quelques clous. Ce matin-là était comme tous les autres dans la ville de Hugul. Il y avait quelques années de cela, Hugul était une charmante petite capitale pleine d’habitants et de commerçants joyeux, des enfants courraient sur les trottoirs et dans les parcs, des chiens courraient après des chats, l’eau du fleuve était plus claire que jamais, on entendait le chant des oiseaux qui résonnait au travers des arbres et les femmes qui discutaient en étendant leur linge sur la corde accrochée d’une fenêtre à l’autre au-dessus de la rue. Ce temps-là était révolu, tout avait changé et les habitants qui sortaient de chez eux se faisaient rare. Le silence régnait sur la ville déserte, on entendait que le claquement ferme des talons sur les dalles de pierres, c’était une jeune fille, on lui aurait à peine donné vingt ans et pourtant elle les avaient fêtés déjà cinq années plus tôt. Elle marchait d’un pas rapide sur le trottoir, la pluie avait mouillée ses longs cheveux blonds qui ondulaient jusqu’au bas de son dos. Elle ne pensait à rien et pourtant son pas était assuré comme si elle avait une destination précise. Un homme barbu qui passait sur le trottoir opposé la siffla et continua son chemin, une bourrasque de vent se fit sentir et fit frissonner la jeune femme. Ce vent frais porteur d’une odeur familière lui rappela une journée bien précise de son enfance, cette fameuse journée ou le monde bascula.

Elle avait alors 8 ans, son père l’avait emmené à l’étang qui se trouvait derrière leur maison, il avait décidé de lui apprendre à pêcher, il était fière d’avoir une enfant dégourdie et habile de ses mains. Il lui tendit une canne à pêche toute neuve et qui semblait lui avoir coutée quelques heures de travail supplémentaires, c’était un des rares cadeaux qu’il avait offert à la fillette. Les yeux pleins d’émerveillement elle la prit et supplia son père d’y accrocher un appât, sous l’ordre enthousiasmé de la fillette il s’exécuta. Dans un élan rapide elle lança l’hameçon et lâcha malencontreusement la canne à pêche qui tomba au fond de l’étang. Elle se tourna alors vers son père les yeux pleins de larmes mais à peine tourna-t-elle la tête que la main de son père vint se coller contre sa joue dans un claquement qui résonna tant le silence régnait au bord de l’étang. Il se leva et marcha d’un pas calme vers la maison, quand sa silhouette disparue derrière la porte la petite fille éclata en sanglots.

Soudain, alors que son pas avait ralenti, une voix traversa la pluie et la sortit de ses souvenirs douloureux.

« - Hey Violette ! Ça va ?

- Salut Léonard, oui oui ça va j’étais juste perdue dans mes pensées, répondit-t-elle d’une voix peu assurée.

- Tu es libre pour prendre un café ?

- Hum … Oui j’ai la journée de libre, dit-t-elle évasivement. »